- ISAÏE
- ISAÏEIsaïe (ou Esaïe), dont le nom signifie «Yahvé est salut», est un des plus célèbres prophètes d’Israël, comme l’attestent déjà l’Église primitive et les milieux esséniens (les découvertes de Qumr n, près de la mer Morte, ont permis de retrouver divers manuscrits d’Isaïe, dont un rouleau complet en 1947). Ce qui frappe d’emblée chez ce prophète, c’est sa grandeur: autorité de l’homme qui parle d’égal à égal avec les souverains de Juda, noblesse de son style, un des plus classiques de l’Ancien Testament, majesté de Yahvé, le Dieu d’Israël, dont il est le porte-parole.On admet généralement aujourd’hui que les disciples d’Isaïe ont pendant plusieurs siècles recueilli, annoté et souvent abondamment complété ses oracles, de sorte que son livre constitue une véritable bibliothèque prophétique, dont les éléments les plus récents datent du IVe siècle ou du IIIe siècle avant J.-C. On distingue trois parties principales dans cette anthologie: les chapitres I à XXXIX, dont les déclarations importantes, surtout dans les chapitres I à XII et XXVIII à XXXI appartiennent à Isaïe lui-même et placent Juda devant l’imminence du jugement de Dieu; les chapitres XL à LV, attribués à un prophète anonyme, appelé par les spécialistes le Second-Isaïe, qui vit au temps de l’exil et annonce à ses contemporains leur prochaine libération; les chapitres LVI à LXVI, œuvre d’un Troisième-Isaïe (ou de plusieurs auteurs), situés après le retour des Juifs en Palestine, qui dénoncent leurs péchés et évoquent en même temps la restauration de Jérusalem.Si chacun de ces ensembles présente ses particularités (style, langue, contexte politique, perspectives religieuses), ils mettent cependant tous en évidence la grandeur de Yahvé, sa maîtrise sur l’histoire et sur la nature, son souci de faire connaître sa gloire à l’univers entier.À cet égard, les continuateurs d’Isaïe constituent une sorte d’école isaïenne qui reprend et développe un des thèmes essentiels du prophète du VIIIe siècle, celui de la sainteté (c’est-à-dire de la transcendance) du Dieu d’Israël. L’expression forgée par Isaïe lui-même «Yahvé, le Saint d’Israël» – le Dieu dont la sainteté apparaît à Israël et par lui au monde – se retrouve tout au long d’un livre prophétique dont le leitmotiv peut être résumé ainsi: Soli Deo gloria.Le premier IsaïeCitoyen de Jérusalem, à laquelle il est profondément attaché, marié et père de plusieurs enfants, aux noms symboliques (ainsi Shear Yashub: «un reste reviendra»), Isaïe est issu d’une grande famille – la tradition rabbinique en a fait un parent du roi – et a fréquenté les milieux des «sages» ou fonctionnaires de l’État, dont il utilise le vocabulaire et le style et auxquels il se heurte fréquemment à la suite de sa vocation. Il agit dans la seconde moitié du VIIIe siècle, à une époque où l’Assyrie, sous le règne de Tiglat Pilézer III, commence à pratiquer vers l’ouest une politique de conquête systématique, qui intéresse directement le sort des royaumes d’Israël et de Juda. Son activité, avec des interruptions plus ou moins longues, se situe entre les années 740 et 700, spécialement sous les règnes d’Achaz, vers 735, et d’Ézéchias, vers 715 et 701. Selon une vieille légende juive, Isaïe serait mort martyr, attaché à un arbre et scié, sous Manassé.Le prophète intervient au nom de Yahvé dans les affaires publiques de la cité, tant sur le plan social que dans le domaine politique. Dans ses premières déclarations, comme Amos l’a fait avant lui pour le royaume du Nord, il condamne violemment l’injustice qui sévit à Jérusalem, l’hypocrisie du culte offert à Yahvé par ses contemporains, leur orgueil. Il annonce le châtiment de la ville coupable, l’humiliation des arrogants (chap. I à III, V).Plus tard, alors que Jérusalem est menacée par les troupes syriennes et israélites, et que le roi Achaz affolé songe à demander l’aide des Assyriens, Isaïe invite le souverain au calme et lui rappelle les promesses qui reposent sur la maison davidique (chap. VII et VIII). C’est à cette occasion qu’il place Achaz devant l’alternative: croire dans le secours de Yahvé ou provoquer la ruine de Juda en cherchant un appui extérieur; et il promet au monarque incrédule la naissance d’Emmanuel, dont le nom signifie «Dieu avec nous» et qui sera un gage de bonheur pour les uns et de malheur pour les autres (chap. VII). Au temps d’Ézéchias, Isaïe dénonce les illusions d’une politique pro-égyptienne; il rejette les diverses coalitions envisagées contre l’Assyrie tant en 716 qu’en 705; il plaide en vain pour une sorte de neutralité face aux conflits qui déchirent l’ensemble du Proche-Orient. Ézéchias se refuse à entendre les mots d’ordre d’Isaïe, qui reposent sur la conviction que Yahvé est fidèle aux promesses faites à son peuple, à son roi et à sa ville. Pour le prophète l’alliance de Dieu est suffisante, efficace, elle est incompatible avec tout autre pacte (chap. XVIII, XX, XXVIII à XXXI). La «théopolitique d’Isaïe» (Martin Buber), si vivement contestée par la cour de Juda, s’est révélée finalement plus réaliste que les mesures préconisées par Achaz et son successeur.Les éléments essentiels du message du prophète se trouvent pour la plupart réunis dans le récit de la vision inaugurale de son ministère (chap. VI), qui met en présence le Dieu trois fois saint, dont la gloire éblouit même les esprits célestes, avec une créature qui n’est que faiblesse et péché. Cette théophanie révèle aussi à Isaïe la profondeur du mal dont son peuple est atteint. Il doit être sans illusion sur sa mission; Israël court au-devant de la catastrophe; seul un «reste», purifié et transformé par un acte de Yahvé, passera au travers du jugement.Pour Isaïe, l’histoire doit démontrer la vérité de son expérience initiale. Elle atteste la grandeur de Yahvé qui ridiculise les vaines prétentions humaines, celles des grands de Jérusalem comme celles du tyran assyrien (chap. II, X). Elle met en évidence la culpabilité du peuple de Dieu et notamment la mauvaise volonté de ses autorités (chap. V, XXII, XXVIII et XXIX). Elle débouche pourtant sur une promesse de survie, puisque Yahvé demeure fidèle à David et à sa cité. Isaïe, en effet, envisage le rétablissement de Jérusalem, fondée par Dieu lui-même (chap. I), il espère le renouvellement de la dynastie davidique et ses déclarations à ce sujet constituent une des bases de l’attente messianique (chap. VII, IX, XI). Un dernier point reste à relever dans ce sommaire théologique du message d’Isaïe: le prophète attend du peuple de Yahvé une attitude de foi en réponse aux promesses divines, une attitude qui ne soit point fuite dans le spirituel, mais obéissance concrète, décision face aux problèmes posés par l’existence ici-bas.Le Second- ou Deutéro-IsaïeLe prophète anonyme responsable des chapitres XL à LV du Livre d’Isaïe a vécu à la fin de l’exil babylonien, au VIe siècle avant J.-C., en terre étrangère. Son intervention se situe entre les années 550 et 538, c’est-à-dire entre les premiers grands succès remportés par le souverain perse Cyrus et la victoire définitive de celui-ci contre Babylone. On sait fort peu de chose de lui; les textes font une allusion à sa vocation (chap. XL) et peut-être à ses souffrances, si les cantiques du Serviteur (chap. XLII, L et LIII notamment) le concernent. Son style est beaucoup plus chaleureux, passionné, plus «romantique» que celui du prophète du VIIIe siècle; les formules hymnologiques et les oracles de salut abondent dans ses déclarations. Le plan de son livre est difficile à établir, car ce sont sans cesse les mêmes thèmes et les mêmes expressions qu’on retrouve dans ces chapitres.Le message du Second-Isaïe est essentiellement un message de salut . Il s’ouvre de façon significative par le verbe «consoler» (chap. XL) et continue par une série de paroles qui ont trait à la fin de l’exil et au retour des déportés juifs en Terre sainte. Le prophète prévoit la chute de Babylone (chap. XLVI et XLVII), il annonce un nouvel exode sous la conduite de Yahvé lui-même (chap. XLI, XLIII et LII), il sait que Cyrus est l’oint de Dieu et que ses succès ont pour but la reconstruction du temple de Jérusalem (chap. XLIV et XLV). Le Proche-Orient tout entier est bouleversé pour permettre la libération du peuple de Yahvé.Mais le prophète se heurte à l’incrédulité, au découragement, à la mauvaise conscience de ses auditeurs. Les exilés doutent que leur Dieu veuille et puisse agir en leur faveur; la fin de Juda n’a-t-elle pas prouvé son impuissance face aux divinités étrangères et sa colère vis-à-vis d’une nation infidèle à l’alliance? Le Deutéro-Isaïe est obligé de reprendre son message, de répondre aux objections, d’argumenter; c’est dans cette perspective qu’il insiste sur le fait que Yahvé aime toujours Israël et lui conserve sa faveur, ou encore que le Dieu d’Israël a créé l’univers et que rien ne s’oppose à la réalisation de ses projets. Si le prophète parle constamment de l’unicité de Yahvé, c’est qu’il y va du salut de son peuple: le Dieu d’Israël ne peut partager avec aucun autre le privilège d’être Dieu; le sort final d’Israël et celui de l’humanité en dépendent. Le but ultime de l’intervention divine en faveur des exilés juifs en Babylonie est, en effet, la révélation de la grandeur unique de Yahvé à la terre entière; les nations et l’univers doivent s’associer dans une commune louange du Dieu créateur et sauveur d’Israël (chap. XLIV, XLV, XLVIII et LV).Aux thèmes déjà relevés (le salut du peuple de Yahvé, l’élection d’Israël, la création de l’univers, la conduite de l’histoire par Yahvé et sa révélation finale au monde), il faut ajouter celui du serviteur de Yahvé, dont quatre «cantiques» font état (chap. XLII, XLIX, L, LII et LIII). Le prophète évoque dans ces chants un personnage mystérieux, en qui on a vu tantôt Israël lui-même, tantôt un membre du peuple élu (un prophète ou un roi, un nouveau Moïse, le Second-Isaïe lui-même, le Messie), dont l’activité contraste avec celle de Cyrus et la complète. Par l’humilité, le dépouillement, le sacrifice de soi, le Serviteur assure le salut aux autres, il meurt pour que ses frères retrouvent la justice et la vie. Il n’est pas étonnant qu’en relisant ces cantiques, et surtout le quatrième qui parle de la passion du Serviteur et de son exaltation, l’Église chrétienne ait vu en eux une prophétie de la destinée du Christ Jésus de Nazareth.Le Troisième- ou Trito-Isaïe et autres auteurs d’après l’exilLe ou les auteurs des chapitres LVI à LXVI se situent après l’exil; le Temple est reconstruit et la communauté jérusalémite connaît une période de relâchement et de découragement. Les promesses divines tardent à se réaliser; il s’ensuit diverses défaillances et une certaine inquiétude. Le message des continuateurs de l’école isaïenne, comme celui du prophète Malachie au Ve siècle, permet de comprendre combien une réforme du judaïsme se révèle nécessaire; elle sera entreprise un peu plus tard par Esdras et Néhémie.Parmi les textes de la fin du Livre d’Isaïe, signalons une longue complainte collective (chap. LXIII et LXIV), une leçon sur le véritable jeûne réclamé par Yahvé (chap. LVIII), des promesses adressées à Jérusalem, qui rappellent le message du Second-Isaïe et constituent une sorte de théologie sioniste (chap. LX à LXII).Il faut encore noter une œuvre tardive – elle date du Ve ou du IVe siècle probablement et annonce le genre apocalyptique –, formée par les chapitres XXIV à XXVII d’Isaïe et appelée «la grande apocalypse». Il s’agit d’un ensemble complexe, sorte de cantate ou de liturgie prophétique, qui célèbre l’humiliation définitive de la cité du mal (peut-être Babylone, détruite en 485 par Xerxès) et annonce le jugement du monde, l’établissement du règne de Dieu et la victoire de Yahvé sur les puissances célestes et terrestres. L’auteur y affirme en particulier le triomphe du Dieu d’Israël sur la mort (chap. XXV). Cette apocalypse confirme à sa manière la prédication du premier Isaïe en exaltant la gloire de Yahvé et sa souveraineté sur toute autre réalité.Isaïe ou ésaïe(VIIIe s. av. J.-C.) le premier des trois grands prophètes juifs. Le Livre d'Isaïe narre la vocation du prophète durant les règnes d'Achaz puis d'ézéchras, rois de Juda, et insiste sur la sainteté de Dieu, qui doit devenir celle des Juifs pour que naisse un jour le royaume du Messie.
Encyclopédie Universelle. 2012.